Comment mesurer les effets positifs de l’extension des STEP ?

Une batterie de bioessais et de biomarqueurs a été mis en place pour évaluer les effets de l’extension prévue de la STEP de Falkenstein sur la qualité des eaux de la Dünnern. Il englobe maintenant de nouveaux aspects, dont notamment la qualité d’une communauté du sédiment et l’antibiorésistance. Les mesures effectuées avant l’extension montrent une nette différence entre l’amont et l’aval du point de rejet de la STEP. Les nouveaux traitements devraient la réduire considérablement.

Les résidus de médicaments, de produits d’entretien et de pesticides présents dans les lacs et cours d’eau peuvent affecter la vie aquatique et la qualité des ressources en eau potable à partir de concentrations extrêmement faibles. Pour réduire la contamination du milieu aquatique par ces micropolluants, la Suisse a entrepris d’équiper près de 120 stations d’épuration (STEP) d’une chaîne de traitement complémentaire. Depuis la modification de la loi sur la protection des eaux de 2016, ces STEP sont tenues de prendre des mesures pour débarrasser les eaux usées traitées des micropolluants.

Contrôle de l’efficacité de la STEP de Falkenstein

La STEP de Falkenstein située à Oensingen (canton de Soleure) doit, elle aussi, être entièrement rénovée et équipée d’une nouvelle chaîne de traitement d’ici à 2027. L’élimination des micropolluants y sera assurée par une combinaison de charbon actif en poudre et de filtration membranaire. La STEP traite les eaux usées de dix communes ainsi qu’une grande partie des effluents industriels prétraités des sociétés Bell Schweiz AG et Swiss Quality Paper. Les eaux traitées sont rejetées dans la Dünnern, un affluent de l’Aar. Pour contrôler les effets des nouveaux traitements sur la qualité des eaux de la Dünnern, cette dernière doit être caractérisée avant et après l’extension de la STEP à partir d’échantillons d’eau et de sédiment prélevés en amont et en aval du point de rejet des effluents. Le Centre Ecotox en a analysé une première série en collaboration avec l’Eawag et la Haute école spécialisée du nord-ouest de la Suisse pour définir l’état avant travaux, qui servira de référence.

« Pour obtenir une vision vraiment complète de la situation sur chaque site, nous avons mis en œuvre de nombreuses méthodes, dont certaines n’avaient encore jamais été appliquées à ce type d’études », explique Cornelia Kienle, qui dirige le projet. Les scientifiques ont ainsi étudié les effets sur les systèmes cellulaires et les organismes dans leur globalité, sur l’expression génique, sur les communautés d’organismes du sédiment, ainsi que sur la présence de bactéries résistantes aux antibiotiques et de gènes de résistance (voir tableau). « La combinaison de méthodes que nous avons choisie couvre des effets à tous les niveaux et convient donc bien au contrôle de l’efficacité de l’extension des STEP, souligne Cornelia Kienle. Nous avons pu constater de nettes différences de qualité des eaux entre l’amont et l’aval du point de rejet des effluents. »

Les bioessais indiquent une bonne qualité de l’eau

Selon les résultats d’un biotest réalisé avec une lignée de cellules humaines, l’activité estrogénique était relativement faible dans l’effluent de la STEP et dans la Dünnern et aucune différence n’était observable entre l’amont et l’aval du point de rejet. La valeur limite écotoxicologique en dessous de laquelle aucun effet négatif n’est susceptible de se produire chez les organismes n’a jamais été dépassée, si bien que, pour ce paramètre, la qualité de l’eau peut être qualifiée de bonne sur les deux sites. Le test combiné sur algues vertes indiquait même une très bonne qualité en amont du point de rejet en ce qui concerne l’inhibition de la photosynthèse et l’inhibition de croissance. Une légère dégradation était observée en aval des rejets même si la qualité de l’eau restait « bonne ». Dans le test de reproduction avec les daphnies ou puces d’eau, la croissance de la population était significativement réduite dans tous les échantillons. Toutefois, la valeur critique de 30 % d’inhibition de croissance n’était jamais dépassée, ce qui indique que la toxicité pour les puces d’eau était faible. Les tests avec les cellules de poisson ne montraient pas non plus de toxicité aiguë pour les cellules branchiales de la lignée étudiée.

Effets de la STEP sur l’expression génique, les communautés et l’antibiorésistance

Les biomarqueurs mesurés dans les lignées de cellules de truite-arc-en-ciel ont révélé d’importantes différences d’expression génique entre les sites. Ainsi, des différences significatives étaient observées dans l’expression de gènes impliqués dans la biotransformation, le stress, la régulation du cycle cellulaire et la réponse immunitaire entre les effluents de la STEP et la Dünnern en aval de leur point de rejet d’une part et le site localisé en amont d’autre part. Chez les gammares, l’expression génique se modifiait également dans la rivière entre l’amont et l’aval du point de rejet.

La composition en espèces de la communauté de vers oligochètes du sédiment de la Dünnern se modifiait également très fortement sous l’effet des rejets de la STEP. La méthode d’évaluation des sédiments grossiers par l’analyse de la communauté d’oligochètes permet non seulement de déterminer le degré de pollution chimique mais aussi d’apprécier la qualité des échanges entre l’écoulement de surface et la nappe souterraine et, par là même, la fonctionnalité du cours d’eau. Grâce à cette méthode, le Centre Ecotox a déjà été en mesure de montrer l’effet des stations d’épuration sur la qualité du sédiment à plusieurs endroits.

De même l’antibiorésistance, c’est-à-dire la quantité de bactéries résistantes aux antibiotiques et de gènes d’antibiorésistance, se modifiait sous l’effet des rejets de la STEP. Les gènes de résistance et les bactéries résistantes étaient en effet plus nombreux en aval. La communauté bactérienne de la Dünnern était fortement modifiée par l’arrivée des bactéries issues des eaux usées.

Comparaison avec les résultats des analyses chimiques

« Les analyses chimiques effectuées par le canton de Soleure ont permis de calculer le risque lié au mélange de polluants détectés. Les résultats montrent que ce risque augmente en aval du point de rejet de la STEP pour tous les groupes d’organismes – à savoir les plantes, les invertébrés et les vertébrés –, indique Cornelia Kienle. Nous nous attendions donc à des effets de la STEP et nos méthodes ont permis de les détecter : le test combiné sur algues vertes a indiqué un effet sur les végétaux ; les modifications de l’expression génique ont révélé des effets sur les vertébrés et les invertébrés et l’augmentation de l’antibiorésistance en aval de la STEP a révélé la présence de résidus d’antibiotiques. Ce point a été confirmé par les analyses chimiques : les substances ayant la plus forte contribution au risque total étaient les antibiotiques azithromycine et clarithromycine ainsi que l’antalgique diclofénac. »

Une réduction de la pollution attendue suite à l’extension de la STEP

Il est prévu de remesurer la qualité de la Dünnern avec les mêmes méthodes en 2028 ou 2029 pour évaluer les effets de l’extension de la STEP. « Les méthodes employées nous ont permis d’apprécier la qualité des effluents de la STEP de Falkenstein ainsi que de l’eau et des sédiments de la Dünnern sous toutes ses facettes avant la mise en place des nouveaux traitements d’épuration », commente Cornelia Kienle. Dans l’ensemble, les méthodes, dont certaines étaient employées pour la première fois dans ce type d’études, étaient bien adaptées à l’évaluation de l’état de la rivière. « Selon nos attentes, les effets toxiques devraient être beaucoup plus faibles après l’extension de la STEP dans les effluents d’épuration et en aval de leur point de rejet, indique Cornelia Kienle. Après les travaux, la filtration membranaire devrait largement endiguer l’émission de bactéries et donc de facteurs d’antibiorésistance dans la rivière. De même, la contamination par les micropolluants devrait fortement baisser, et avec elle les effets mesurés. » Dans l’ensemble, l’extension de la STEP devrait donc nettement réduire la pollution.