10. novembre 2023, Catégorie: Ecotoxicologie des sols
Le test des Bait Lamina contribue à mesurer la fertilité du sol
La méthode des Bait Lamina permet d'étudier l'impact des produits phytosanitaires sur l'activité d'alimentation des invertébrés du sol et la dégradation de la matière organique. Or cette dégradation est essentielle à la fertilité du sol.
Notre alimentation est directement dépendante de la fertilité des sols. Or ces derniers sont fortement impactés, non seulement par les phénomènes de tassement, de lessivage et d'appauvrissement en matières nutritives, mais aussi par l'emploi des produits phytosanitaires. Le plan d'action national sur les produits phytosanitaires vise donc également à surveiller sur la durée les effets de la présence de résidus de produits phytosanitaires sur la fertilité des sols agricoles. Mais comment la mesurer ? « Un sol est considéré comme fertile quand il peut remplir ses fonctions écologiques de manière satisfaisante, explique le spécialiste des sols Mathieu Renaud. Parmi elles, on compte notamment des fonctions régulatrices comme la régulation des cycles des matières organiques et minérales. » Pour suivre ces fonctions du sol, les bioindicateurs offrent une solution à la fois efficace et bon marché.
La dégradation de la matière organique, une fonction vitale du sol
Dans cette optique, le test des Bait Lamina, qui mesure l'activité d'alimentation de la faune du sol et la dégradation de la matière organique et évalue ainsi une fonction essentielle du sol, est particulièrement intéressant. Il consiste à placer des languettes de PVC contenant un appât organique dans le sol et à déterminer la quantité d'appât consommée par la pédofaune. « Il n'existe quasiment pas de tests ou d'indicateurs qui permettent de mesurer les fonctions du sol en laboratoire, explique Mathieu Renaud. Ce test très simple, déjà normalisé par l'ISO pour les utilisations sur le terrain, est très prometteur à cet égard. »
Présence indispensable d'organismes d'une certaine taille
Maylis Wangermez a optimisé le test pour une utilisation en laboratoire. « Nous réalisons le test dans des tubes à essai, en conditions contrôlées de température et d'humidité », explique-t-elle. Dans ses essais, elle a comparé un sol standard aux caractéristiques connues avec un sol de jardin naturel après les avoir soumis à différents types de prétraitement. Par cette démarche, elle souhaitait non seulement découvrir comment le test pouvait être adapté aux conditions de laboratoire, mais aussi identifier les groupes d'organismes particulièrement importants pour la dégradation de la matière organique dans les languettes. Le sol standard ne renfermait que peu de micro-organismes et était exempt d'organismes de plus grande taille car il avait été conservé au sec pendant une durée prolongée. Le sol de jardin avait été prélevé à l'état frais et abritait donc une faune « intacte ». Pour les essais, cette faune a été soit laissée en l'état, soit entièrement retirée du sol, soit retirée puis réintroduite avec uniquement les micro-organismes naturels.
« Nous avons observé que la matière organique était bien dégradée dans le sol de jardin laissé naturel, indique Maylis Wangermez. Cela signifie que la micro et la mésofaune qui y vivent étaient importantes pour la dégradation. Les micro-organismes seuls n'étaient suffisamment actifs ni dans le sol standard ni dans le sol de jardin. » Lors du prétraitement des échantillons, il n'était pas nécessaire de tamiser le sol avec un crible de 2 mm. Le tamisage à 5 mm, moins laborieux, donnait d'aussi bons résultats.
Le sulfate de cuivre affecte la dégradation de la matière organique
« Nous avons ensuite cherché à savoir s'il était possible, grâce à ce test, de mesurer l'impact d'un phytosanitaire modèle sur l'activité d'alimentation, poursuit Maylis Wengermez. Pour cela, nous avons préalablement traité le sol avec un fongicide, à savoir du sulfate de cuivre. » Résultat : l'activité d'alimentation baissait proportionnellement à la quantité de sulfate de cuivre appliquée, ce qui a permis de déterminer la concentration maximale sans effet dans le test (NOEC) de même que la concentration la plus faible suivie d'effets (LOEC).
« Nous avons pu montrer que le test des Bait Lamina pouvait être utilisé en laboratoire pour évaluer la qualité du sol en termes de dégradation de la matière organique et mesurer l'impact des contaminants sur cette fonction, résume Mathieu Renaud. Nous conseillons, à part un tamisage à 5 mm, de laisser le sol dans son état naturel. » Il souligne toutefois que le test des Bait Lamina donne une information sur l'activité du sol mais ne renseigne pas sur sa biodiversité car cette dernière n'est pas déterminante pour la vitesse de dégradation de la matière organique. Ce test doit donc être complété par d'autres essais écotoxicologiques comme les tests avec les enchytréides ou les collemboles. Cette approche sera étudiée par le Centre Ecotox dans une prochaine phase du projet.