17. mai 2016, Catégorie: Ecotoxicologie aquatique Ecotoxicologie des sédiments
La qualité des sédiments dans la Venoge
Les sédiments de la Venoge seraient-ils en partie responsables d'un mauvais état écologique de la rivière ? Pour tirer cette question au clair, les scientifiques du Centre Ecotox ont évalué la qualité de ces sédiments en combinant essais biologiques et physico-chimiques. Il s'avère que les alluvions de la partie aval sont effectivement des sources de polluants susceptibles de s'accumuler dans les organismes et de nuire à la faune aquatique.
Dans la Venoge, rivière vaudoise de moyenne importance, la qualité de l'eau s'est fortement améliorée depuis l'optimisation technique de la station d'épuration (STEP) de Bussigny qui y déverse ses effluents. Cependant, la qualité reste problématique en aval de cette rivière : les communautés biotiques du compartiment sédimentaire se sont appauvries, perdant les groupes taxonomiques les plus sensibles. Le Centre Ecotox a donc voulu savoir si les sédiments portaient une part de responsabilité dans la perte de qualité écologique du milieu. En 2010, des études de l'Office fédéral de l'environnement avaient en effet montré qu'une partie des poissons de la Venoge renfermaient encore des teneurs en PCB (polychlorobiphényles) supérieures aux normes fixées pour la consommation humaine - et ce, alors que ces composés étaient interdits en Suisse depuis des décennies. À l'instar des PCB, de nombreux micropolluants ont une forte affinité pour les particules solides et les alluvions peuvent donc rester une source de contamination des années après une pollution du milieu aquatique.
Combiner les approches pour une argumentation solide
Pour déterminer la qualité des sédiments, il est particulièrement judicieux de combiner des essais biologiques et des analyses chimiques de façon à étayer le diagnostic. Lidia Molano Leno, étudiante en master de l'université de Cadiz, en Espagne, a prélevé des échantillons sur quatre sites dans la Venoge : le premier était situé à proximité du point de rejet des effluents de la STEP de Bussigny, le second plus en aval près d'Ecublens le Bois, à un endroit où le service de l'environnement du canton de Vaud avait relevé les plus fortes concentrations de PCB dans le cadre de ses contrôles de la qualité de l'eau, le troisième à l'embouchure dans le lac Léman et le dernier, servant de référence, en amont de la STEP de Bussigny.
L'effet des échantillons de sédiment a été étudié sur quatre groupes biologiques - les ostracodes, les larves de chironomes, les amphipodes et les macrophytes - représentatifs de différents niveaux trophiques, de différentes voies d'exposition et de différents modes de vie. En parallèle, Lidia Molano Leno a déterminé les concentrations en métaux lourds, en PCB et en HAP dans les sédiments et a évalué la capacité des larves de chironomes à accumuler ces PCB dans leurs organismes - une manière de savoir si les fortes teneurs en PCB mesurées dans les poissons s'expliquent par une accumulation dans la chaîne alimentaire.
Bonne complémentarité des données chimiques et écotoxicologiques
Les sédiments contenaient certains métaux et micropolluants organiques à des concentrations supérieures aux seuils définis pour les effets écotoxiques. Les teneurs les plus élevées ont été mesurées à l'embouchure dans le lac. Les analyses chimiques ont révélé la présence de nickel, de chrome, de cuivre et de zinc ainsi que de différents HAP et PCB. Les bioessais attestent d'une toxicité croissante des sédiments de l'amont vers l'aval. Les échantillons prélevés en amont de la STEP ne se sont révélés toxiques dans aucun des tests. Ceux prélevés au niveau de la STEP et à Ecublens avaient pour effet de réduire le taux d'éclosion des larves de chironomes mais n'avaient aucune action toxique sur les ostracodes ou les amphipodes. Les sédiments de l'embouchure, où les concentrations de polluants étaient les plus élevées, n'avaient pas d'effet sur les larves de chironomes mais affectaient les ostracodes et les amphipodes. « Les résultats montrent que les différents organismes biologiques réagissent très différemment au cocktail de polluants, commente Carmen Casado-Martinez, du Centre Ecotox, qui a supervisé l'étude. Il faut donc toujours une batterie de plusieurs tests portant sur des paramètres complémentaires pour obtenir une caractérisation complète de l'écotoxicité des sédiments. » Lidia Molano Leno a d'autre part observé que, dans les essais de laboratoire, les larves de chironomes accumulaient les PCB dans leur organisme et ce, d'autant plus quand leur degré de chloration était élevé.
« Dans cette étude, nous avons suivi trois voies parallèles pour déterminer la qualité des sédiments, indique Carmen Casado-Martinez. Les analyses de la composition chimique, de l'écotoxicité et de la bioaccumulation ont livré des résultats complémentaires qui, une fois combinés, ont abouti à une conclusion robuste. » Les résultats montrent que les sédiments peuvent effectivement contribuer à une réduction de l'état écologique dans la partie aval de la Venoge.
Pour en savoir plus : Casado-Martinez, M.C. et al. (2016) Impact des sédiments sur la qualité de l’eau : surveillance écotoxicologique de la qualité de la rivière Venoge. Aqua und Gas 4, 56-63